
Devant l’absence de règles claires et précises, et encore plus de législation, la plupart des employeurs se retrouvent face à une problématique délicate : peut-on demander une preuve vaccinale dans le milieu de travail ou lors de l’embauche? De plus, peut-on exiger que les employés soient vaccinés?
Si certains peuvent le demander de manière contournée (employés qui doivent voyager ou qui doivent rencontrer des clients dans des restaurants ou autres endroits exigeant le passeport vaccinal), d’autres hésitent à l’exiger, faute de jurisprudence en la matière.
Ce sujet de l’heure a attiré bon nombre de participants lors de notre Live Discussion qui a eu lieu le 26 novembre dernier et auquel Me Claude Gravel, spécialisé en droit du travail, a aimablement accepté de se joindre.
Une question de droit
La question de la preuve vaccinale et de l’exigence pour la vaccination est complexe et n’a pas encore été tranchée par les tribunaux. En effet, même si la Cour fédérale a rejeté une injonction contre la vaccination obligatoire pour les employés fédéraux et que la Cour supérieure du Québec a rejeté la demande de sursis des travailleurs de la santé, aucune loi n’a été adoptée en la matière jusqu’à maintenant. Les droits et libertés de la personne et le droit au respect de la vie privée sont souvent évoqués d’une part, alors qu’on souligne l’importance du bien-être collectif d’autre part.
L’impact d’une sentence arbitrale
Par contre, une nouvelle pourrait changer la donne. Il y a quelques jours, une sentence arbitrale a été arrêtée. Elle stipule que la demande de preuve vaccinale est justifiée face au bien-être général des citoyens québécois.
Si cette décision peut influencer plusieurs employeurs à adopter ce type de mesure, les conséquences face à un refus de divulguer son statut vaccinal ou au refus à la vaccination ne sont pas précisées.
En effet, la sentence émise par l’arbitre, Me Nadeau, ne porte aucunement sur le congé sans solde ou le licenciement en cas de non-respect de la politique de vaccination d’un employeur. Ce type de décision relève plutôt des tribunaux.
Toutefois, l’arbitre souligne que si atteinte à la vie privée il y a, elle est jugée « sans conséquence en comparaison des inconvénients majeurs et reconnus par les constats scientifiques actuels, provenant de la présence de personne non vaccinée en milieu de travail ».
On préconise par ailleurs que les renseignements liés au statut vaccinal ne soient pas traités par les gestionnaires, mais qu’ils relèvent plutôt d’une personne responsable du département des ressources humaines.
L’exemple de la fonction publique fédérale
Lorsque l’on voit ce qui se déroule dans la fonction publique fédérale, on est en droit de se demander si cela aura un effet sur les entreprises du pays. En effet, après avoir annoncé que tout employé non vacciné ou refusant de révéler son statut vaccinal se verrait en congé sans solde, et qu’il ne pourrait pas bénéficier de l’assurance-emploi, on a enregistré un taux de vaccination de 98 %.
Parmi ceux-ci, il semble que certains, même s’ils ne seraient pas nombreux selon Gilles Levasseur, professeur de gestion et de droit à l’Université d’Ottawa, auraient pu mentir. Le gouvernement a alors été clair : dans un tel cas, un licenciement est plus que probable.
Aussi, on évalue qu’environ 3150 fonctionnaires sur 268 000 auraient fait la demande d’accommodements face à la vaccination soit pour des raisons médicales ou religieuses. L’application de ces mesures exceptionnelles ne sera pas simple à gérer et pourrait ouvrir la porte à des contestations, mais pour l’instant, elle resterait plutôt rare.
Mais concrètement, comment cela se traduit-il?
Avant toute chose, il importe de comprendre que l’exigence de vaccination est liée aux conditions de travail des employés. Ainsi, ceux qui sont en poste ne seraient pas obligés de s’y soumettre, sauf dans certains cas précis, car cela n’entrait pas dans leur contrat de travail au moment de leur embauche. Toutefois, de manière concrète, la décision de ne pas être vacciné pourrait entraîner des conséquences de différents ordres pour les récalcitrants.
À l’embauche de nouveaux employés, il en va autrement. Les employeurs peuvent exiger que les recrues soient vaccinées et l’inclure dans les conditions, puis dans une clause du contrat de travail.
Au final, l’employeur peut demander à ses employés de fournir leur preuve vaccinale puisqu’il a le devoir de s’assurer de la santé et de la sécurité de l’ensemble de ses employés. C’est là qu’interviennent les constats scientifiques et le droit collectif tel qu’énoncé dans la sentence arbitrale de Me Nadeau.
Ainsi, la décision d’exiger ou non la preuve vaccinale et l’obligation à la vaccination s’avère étroitement liée à la gestion du risque de l’employeur et peut se résumer ainsi : aimez-vous mieux savoir que vous avez mis toutes les cartes de votre côté pour assurer la santé et la sécurité de vos employés ou êtes-vous à l’aise de prendre une certaine part de risque?